Angela Davis : l'afro militante ou consciente ?
La beauté est-elle superficielle ? L'esthétique est-elle futile, accessoire, pure coquêterie ?
En avançant dans la définition de mon projet de boutique de cosmétiques, je me suis posée ces questions très souvent. Dès le départ, cette idée de beauté vide de sens n'a pas résisté à mes exigences de produits respectueux des consommateurs et de notre planète et montrant la diversité et la légitimité de toutes les traditions de beauté du monde.
Ensuite, en présentant le projet à mes proches - je précise pour les nouveaux que je suis d'origine africaine - une dimension identitaire s'est imposée avec la figure politique d'Angela Davis. "Tu vas ressembler à Angela Davis !?" s'exclamaient-ils. Même chose sur Myspace, une jeune chanteuse arborant une magnifique chevelure m'aborde d'un "Je ne suis pas militante mais j'adore ton site !".
Militante ? Pourquoi militante ? Faut-il être militante pour porter les cheveux naturelles ? Pourquoi l'afro est-elle synonyme de revendication identitaire ?
Paradoxalement, je me suis rendue compte que j'avais complètement oublié la vie et l'histoire d'Angela Davis alors que son look est encré dans mon imaginaire un peu comme une Che Guevara au féminin. La vie du Che, comme celle de la première îcone d'Oanisha, ne peut se réduire à un look. Il y a bien plus : Le parcours d'une femme de conviction et d'action.
Née en 1944 en Alabama, à l'époque de la ségrégation raciale dans le sud, elle a étudié aux Etats-Unis et en Europe. Après son doctorat, elle enseigne en 1969 à l'UCLA - l'université de Californie à Los Angeles mais en est renvoyée à cause de son activisme politique. En 1970, accusée par le FBI de prise d'otage, Angela Davis commence une cavale de deux mois. Sa notorité grandit tandis qu'elle devient la troisième femme la plus recherchée par le FBI. Elle est finalement arrêtée et placée en détention provisoire pendant 16 mois. Elle risque la peine de mort.
L'opinion publique internationale se mobilise pour obtenir sa liberation. John Lennon et Yoko Ono, Les Rolling Stones, Jacques Prévert, Jean Paul Sartre, Gerty Archimède ... la soutiennent. Des manifestations monstres grondent dans les capitales. A Paris, 100.000 personnes demandent sa libération. Grâce à la pression internationale, elle est acquittée le 4 juin 1972 de toutes les charges qui pèsent contre elle par un jury composé uniquement de blancs, au cours d’un procès hyper médiatisé qui met à jour une machination du FBI.
Militante et activiste pour les droits civiques et pour la paix au Vietnam, membre du Black Panters Party, communiste, féministe, auteure de plusieurs ouvrages socio-politique (Autobiographie, Femmes, Race et classe), Angela Davis enseigne actuellement à l'Université de Californie à Santa Cruz. Elle a publié récemment Les Goulags de la démocratie sur les dérives du système carcéral américain. De passage à Paris en décembre 2005, elle a accordé un entretien à RFO où elle évoque les émeutes de banlieues en 2005 et son statut d'îcone.
Angela Davis a porté l'afro puis des DreadLocks et enfin une afro bouclée.
Dans les années 60 aux Etats-Unis, porter l'afro était indéniablement un signe de contestation, d'émancipation et de libre pensée.
Qu'en est-il aujourd'hui, à Paris ?
Honnêtement, il faut avoir du culot pour porter l'afro car le regard des autres - blancs comme noirs d'ailleurs - est difficile à assumer. Il faut du temps et de la persévérance pour changer la perception que l'on a de soi et celle que l'on porte sur la beauté stéréotypée martelée à la télé. Personnellement je suis devenue très vite accro à ma texture crépue : j'ai porté des tresses pendant toute mon adolescence puis un carré lisse et défrisé en entrant dans la vie active : pour faire plus sérieux et professionnel ...
Les mentalités commencent aussi à changer. ça bouge ! La beauté lisse et factice de Beyoncé a fini de nous étouffer et de nous formater. Dans la rue, c'est merveilleux de voir ce changement. Pas un voyage en métro sans croiser une "naturelle".
Et vous quelles sont vos îcones aux chevelures bouclées, frisés et crépus ?
3 commentaires:
Quelle icone ! Nous la connaissons tous sans la connaitre... une de mes amis, fans de la première heure a eu la joie de la rencontrer lors d'un de ses passages à Paris. Elle en est encore toute émue.
Merci d'avoir cité les titres de ses livres je vais pouvoir découvrir cette icone à travers ses livres.
Pour ma part, je porte mes cheveux naturels depuis 2 ans après des années de défrisage. je ne comprends pas celles qui préfèrent porter des tissages, qui les enlaidissent il faut l'avouer pour certaines. Certains garçons même se mettent au défrisage pour avoir le look "techtonik". Mais chacun fait ce qu'il veut.
Bonne année à toutes et à tous, bonne continuation à Oanisha !!
Merci pour ton commentaire et bonne année à toi.
J'envie ton amie, c'est une grande chance de rencontrer une personnalité historique telle qu'Angela Davis.
Je t'invite à voir l'article sur "A girl like me" de Kiri Davis. J'ai trouvé sur un autre blog une vidéo de la sociologue Juliette Sméralda qui explique comment s'est mis en place cette aliénation de l'esthétique de la beauté noire. Je la mettrait bientôt sur le blog.
Oanisha existe justement pour que chacun de nous ait un véritable choix de faire et d'être ce qu'il veut. Et cela vaut aussi bien pour les noirs que pour les blancs. Même si la pression sociale est moins forte et les produits moins agressifs, beaucoup d'occidentales se lissent les cheveux pour faire "propre" au bureau.
Il y a encore beaucoup à faire, mais nous avons repéré de nombreuses initiatives allant dans le même sens : diversité / écologie / équité.
Merci encore pour tes encouragements.
Cet art typiquement africain qui consiste à sculpter la chevelure est malheureusement en train de disparaître, et avec lui tout un imaginaire et un univers esthétique que nous ont légué nos ancêtres.
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